lundi 22 décembre 2014

L'abolition de l'esclavage




Ce n'est pas un hasard si j'ai choisi d'ouvrir ce blog à la date du 20 décembre, car c'est ce jour là que se fête l'abolition de l'esclavage. Et cette date s’avère structurante dans cette ile à l'histoire complexe où se mêlent les traditions et les lois métropolitaines et un héritage culturel africain et indien.



L'histoire de cette ile remonte à l'année 1504 quand un navigateur européen, Diego Fernandez Peteira la baptise Santa Apollonia sans y avoir débarqué. Elle sera reconnue à plusieurs reprises par des navigateurs mais ce n'est qu'en juin 1642 que un équipage français débarquera dans l'actuelle baie de Saint Paul et en prendra possession au nom du roi de France, la baptisant ile Bourbon.

Puis, le 10 novembre 1663 le navire Saint Charles débarquera deux français et leurs serviteurs et esclaves, décidés à s'installer définitivement sur l'ile.

Leur initiative n'est pas étrangère a la politique d'expansion économique de Richelieu. Celui ci a signé en 1624 un traité avec les Hollandais qui reconnaît la liberté du commerce vers « les Indes occidentales et orientales », mettant ainsi fin aux incertitudes maritimes sur cette région du globe. En continuité de cette politique se créeront des compagnies qui prendront possession de sites et de ports. Les établissements les plus faciles à ouvrir et ouvrant sur de vastes territoires se créeront d'abord sur l'ile de Madagascar puis ensuite sur les iles Bourbon.

C'est en 1664 que sera créée par Colbert la compagnie des Indes orientales dotée de privilèges royaux et de monopoles. Mais à l'objectif commercial s'ajoutent des objectifs politiques délégués par la puissance publique. Il faut contrer les ambitions anglaises et hollandaises dans cette zone. La présence d'une flotte française devient un moyen d'affirmer la souveraineté. Enfin la culture et la religion voyagent avec les commerçants.

Canons place du barachois à Saint Denis

La compagnie administrera l'ile durant un siècle. Et on lui doit d'avoir emmené une grande prospérité sur l'ile en incitant les colons à procéder à des plantations de café. L’extension de ces cultures entrainera un besoin de main d’œuvre qui viendra de l'importation d'esclaves.

La condition sociale d'esclave est connue en Europe depuis le néolithique et l'antiquité. Il s'agit d'êtres humains privés par d'autres du droit de propriété sur eux-mêmes. Cette condition ne disparaitra en Europe que au haut moyen age sous la pression du christianisme mais se développera en Amérique du nord.

Dans le même temps se développait une traite négrière de différentes origines, berbères, persans, malais, chinois et principalement arabe. La traite inter africaine des royaumes sub-sahariens alimentait les marchés bordant la méditerranée. Cette traite vers l’océan Indien et la méditerranée est bien antérieure à la controverse de Valladolid, débat mené par des théologiens en 1551 qui devaient décider de la manière dont devaient se faire les conquêtes du nouveau monde, pour qu'elles se fassent avec justice et « en sécurité de conscience » !

Bien sur cela a été interprété comme un blanc seing donné à la traite qui se développera aussi bien en Atlantique que dans l'océan Indien.



En 1764 le roi rachète les Mascareignes à la Compagnie des Indes après la faillite de cette dernière. L'île entre pendant 30 ans dans une période économique très faste avec l'exportation des épices et du café.

A partir de 1789 l'ile subi une longue période d'instabilité qui reflète les vicissitudes des guerres de la révolution et de l'empire. Depuis 1792 , l'Europe est en état de guerre quasi permanent opposant la France révolutionnaire à une série de coalitions.

En 1794 l'esclavage est aboli par la convention. Le 8 avril 1794, l'île adopte le nom d'île de La Réunion à la suite de La Réunion des révolutionnaires qui ont chassé le roi Bourbon du trône.

Mais l'esclavage est implicitement rétabli lors du traité de 1802 qui restitue à la France des territoires antillais sur lesquels les anglais avaient maintenus l'esclavage. Les réticences des colons sont évidentes...D'autant plus que les plantations de café sont ravagées par des catastrophes naturelles et que les exploitants se tournent vers la canne à sucre dont les débouchés en métropole deviennent importants , et que les besoins de main d’œuvre sont récurrents.





Les anglais prennent possession de l'ile en 1809. En effet la guerre de la Cinquième Coalition est un conflit qui oppose une coalition menée par l'empire d'Autriche et le Royaume unis contre l'empire Français. Les engagements entre la France et l'Autriche, et les anglais se déroulent dans toute l’Europe centrale entre avril et juillet 1809. Et l'occupation d'une possession française dans l'océan indien en est une conséquence.

L'ile ne sera rendue à la France que par le traité de Paris du 30 mai 1814 qui ramène la France dans ses limites de 1792.

Il faudra attendre le 29 mars 1815 pour que Napoléon Ier décrète l’abolition de la traite négrière. Ce décret est pris durant  les cent jours qui se terminèrent par la bataille de Watterloo.

En 1848 l'Europe est secouée par une vague de révolutions dont les aspirations nationalistes sont une cause centrale. C'est dans ce contexte que en févier un soulèvement populaire violent met fin à la « monarchie de juillet » et met en place la seconde république. La seconde et définitive abolition officielle de l'esclavage date du 27 avril 1848, notamment grâce à l'action du député Victor Schœlcher et ses amis.

Il obtient du gouvernement provisoire la création d'une commission d'abolition de l'esclavage chargée de préparer l'émancipation. La commission tient sa première réunion le 6 mars, et le 27 avril, elle propose une série de douze décrets qui émancipent les esclaves (un article leur octroie le statut de citoyen, ils sont désormais appelés « nouveaux citoyens » ou « nouveaux libres ») et organisent l'avenir dans les colonies. Des ateliers nationaux sont établis dans les colonies ; on crée des ateliers de discipline pour la répression de la mendicité ainsi qu'une caisse d'épargne ; un décret agence l'impôt personnel, les taxes sur les tafias, vins et spiritueux ; un autre institue une fête du Travail dans les colonies ; un décret organise les hypothèques ; les commissaires généraux de la République sont créés et envoyés dans les colonies pour y appliquer les décrets ; la liberté de la presse est étendue aux colonies ; un décret précise les modalités du recrutement militaire, de l'inscription maritime, de la garde nationale (extension des dispositions ayant cours en France) ; le sort des vieillards, des infirmes et des orphelins est pris en charge ; des jurys cantonaux sont créés.

Le 27 avril a lieu la publication de l'acte d'émancipation qui sera proclamé le 20 décembre par le commissaire de la république Sarda Garriga. qui a eu l'intelligence à son arrivée sur l'ile d'expliquer aux maitres et aux esclaves leurs droits et leurs devoirs futurs.

Une loi votée le 30 avril 1849 indemnise les planteurs et les colons. Ainsi près de 248 500 esclaves sont libérés (plus de 87 000 en Guadeloupe, près de 74 450 en Martinique, plus de 62 000 à La Réunion, 12 500 en Guyane, plus de 10 000 au Sénégal d'après les demandes d'indemnisation présentées par les propriétaires.

Libérés le 20 décembre 1848 , les affranchis recevront chacun un nom (attribué par l'administration coloniale) rajouté à leur ancienne appellation d'esclave. Certains acceptent de rester auprès de leurs anciens maîtres, d'autres vagabondent dans l'île ou se réfugient dans les hauteurs de l'île à la recherche de terres libres à défricher.
L'esclavage est aboli mais l'île reste une colonie française jusqu'en 1946.

Pour pallier au manque de main d’œuvre un nouveau système est mis en place : l'engagisme. Il consiste à proposer à des travailleurs étrangers à la colonie, un contrat de travail d'une durée de 5 ans renouvelable. L'engagé est alors au service d'un engagiste généralement propriétaire terrien.
Plus de 100 000 "engagés" Malgaches, Indiens (Zarabes du nord et Malabars du sud) Chinois et Africains (Cafres) seront introduits dans la colonie par les propriétaires d'anciens esclaves pour remplacer ceux-ci sur les plantations.
Ce système prendra fin en 1937 à la faveur d'une réforme administrative impactant le service de l'immigration et l'inspection du travail.

166 ans après la publication du décret du 27 avril 1848 abolissant la traite des Noirs dans les colonies françaises, ce mot résonne toujours aussi fort.

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