J'ai découvert dans le
livre de Jean-Pierre CAMBEFORT intitulé « Enfances et familles
à La Réunion » (L'Harmattan mars 2002) de nombreuses clefs de
compréhension de l'organisation sociale en place dans cette ile.
Je vous en propose
quelques extraits qui dans un premier temps analysent le
fonctionnement de l'esclavage et ses conséquences :
/.../
L'esclavage des
populations représente bien plus qu'un système économique. Par le
déracinement définitif des sources culturelles ce système à
entrainé :
- La destruction de l'ancestralité et des mémoires culturelles d'origine (lignage, traditions)
- L'atteinte à la filiation par la suppression des patronymes originels et leur remplacement par des noms d'emprunt ; ceci s'est produit à deux reprises : au moment de l'esclavage lors de l'attribution d'un nom qui marquait l'appartenance au maitre ; après l'abolition ensuite lorsque des patronymes d'emprunt furent attribués à nouveaux aux affranchis selon le bon vouloir et la volonté stigmatisante de l'administration coloniale. ;
- la destruction des langues d'origine, passées définitivement dans l'oubli au moment de la mise en service dans les plantations ;
- La subordination des populations importées, puis métissées (créoles) au pouvoir colonial dans une société fondée sur des rapports de force et de soumission.
Ces phénomènes
engendrèrent plusieurs blessures symboliques ayant des conséquences
éducatives importantes.
Suite à la destruction
de l'ancestralité, le pouvoir colonial a immédiatement substitué
aux références culturelles traditionnelles l'ensemble des valeurs
civiles religieuses occidentales (particulièrement importantes dans
leur assimilation au niveau de la structure familiale) . La religion
catholique fut imposée comme ciment religieux des communautés en
présence, chapeautant officiellement la cohabitation de plusieurs
cultes et se surimposant aux religions populaires, malgré l'emprise
de ces dernières dans les consciences et la continuité des
pratiques , le plus souvent dans la clandestinité.
L'atteinte à la
filiation a entamé gravement la fonction symbolique paternelle,
l'image du père et ce qu'il représente par rapport à la mère dans
ses relations éducatives aux enfants. Cette mutilation symbolique a
entrainé la sur importance du rôle et de l'image de la mère,
phénomène qui provoque d'importants déséquilibres dans la vie
familiale. Des milliers de famille ont endossé une identité
patronymique d'emprunt, le plus souvent construite comme des
sobriquets destinés, après l'abolition, à stigmatiser les
descendants d'affranchis. Les patronymes d'emprunt et la
méconnaissance du lignage chez les descendants d'esclaves, induisant
des doutes sur la filiation, notamment celle du père, ont
déstabilisé des générations d'enfants dans leur identité.
La destruction des
langues d'origine a entrainé l'obligation d'adopter le créole,
langue « criée » (étymologiquement) dans la
colonie et langue de soumission aux commandeurs, contremaitres de la
plantation, pour communiquer avec les représentants du pouvoir. A
travers le créole se véhiculeront ensuite, et entre autre
significations, tous les systèmes de représentations sociales du
sens commun, fondées sur les rapports de domination (dictons,
proverbes, maximes etc)
menu en créole |
Le système économique
et politique esclavagiste a imposé aux populations importées les
valeurs d'une société fondée sur les rapports de force et de
domination, d'où étaient bannis tous esprit critique,toute velléité
de résistance, tout effort dialectique.
.....
.....
Il me paraît d'autant
plus pertinent de citer cette analyse que l'esclavage moderne existe et a indubitablement les mêmes ressorts et les mêmes conséquences.
Selon un rapport publié
en novembre 2014 par la Walk Free Foundation — qui lutte contre
toutes les formes d'esclavage moderne —, près de 30 millions de
personnes dans le monde vivent dans des conditions d'asservissement.
Les chiffres cités sont à prendre avec précaution car ils émanent
d'une fondation américaine qui n'explicite pas ses méthodes
d'évaluation et elle ne cite pas les pays du golf pourtant
certainement concernés !
En Mauritanie, 4% de la
population serait touchée, soit la plus forte proportion au monde.
L'esclavage est enraciné dans la société mauritanienne, souligne
le rapport, expliquant que les «Maures noirs», descendants de Noirs
asservis par les Arabes berbères arrivés en Mauritanie au XIe
siècle, continuent de servir de génération en génération les
«Maures blancs». «Le statut d'esclave est héréditaire»,
constate la Fondation.
Enfin selon un rapport
d'amnesty international depuis le mois d'août, 2014 les djihadistes
de l'Etat islamique (EI) ont enlevé des centaines, voire des
milliers de femmes et de jeunes filles dans la région de Sinjar
(nord de l'Irak) afin de les réduire en esclavage.
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