mardi 12 mai 2015

La violence


La violence.


Il est frappant de constater que les journaux locaux rapportent avec une régularité qui devrait inquiéter des acte d'une violence inouïe. Le concept de violence renvoie à l'usage de la force et du pouvoir. La définition que en 2002 l'OMS a donné de la violence met l'accent sur trois caractéristiques principales : d'abord la nature de l'actes violents comme étant liée à l'utilisation non seulement d'une force physique, mais d'un pouvoir ; ensuite elle considère l'intentionnalité comme un aspect essentiel ; enfin cette définition de ne met en lumière les différents types de conséquences traumatisantes.



J'emprunte à A.Vergoz une interprétation intéressante : « Un autre aspect important est l’attente que la mère, le père, ou le couple parental va avoir vis-à-vis de l’enfant. Celui-ci est-il né pour satisfaire le narcissisme parental ? Pour venger une mère qui se sent méprisée, un père humilié ? Est-il là pour servir de parent à ses propres parents, jouant auprès d’eux le rôle que ceux-ci devraient avoir pour lui ? Est- il le résultat du besoin d’enfant comme moyen d’occulter le manque, ou le produit du désir relançant la quête ? Bons nombres d’enfants ont une fonction qui leur est assignée, et que beaucoup sont le résultat du besoin. Il faut se demander si certains enfants ne sont pas là pour « réparer » leurs parents, accomplir à leur place ce qu’ils n’ont pu accomplir. Ces enfants, pris dans les fantasmes parentaux ont bien du mal à être sujet de leur histoire, et si, pour cause d’injustice ou de chômage, les parents haïssent le monde dans lequel ils vivent, les enfants risquent bien d’agir une violence qui est celle de leur parents, et non la leur ».

Un dicton issu d’un texte de droit du Moyen-Âge nous dit ceci « On attache les bœufs avec un joug, et les êtres humains on les lie avec de la parole. » Voici donc la clé de l’énigme, ce qui fait lien, c’est qu’on se parle. Il y a donc dans la structure même de la parole et de l’être parlant que nous sommes, quelque chose qui nous tient, nous soutient, nous contient.

« L’homme est, en effet, tenté de satisfaire son besoin d’agression aux dépens de son prochain, d’exploiter son travail sans dédommagement, de l’utiliser sexuellement sans son consentement, de s’approprier ses biens, de l’humilier, de lui infliger des souffrances, de le martyriser et de le tuer. » Voilà ce qu’affirme sans ambages le père de la psychanalyse en 1929 dans Malaise dans la civilisation.La violence ça veut dire quelque chose, mais ça le dit avec des actes, et pas avec des mots. Freud disait avec l’humour qu’on lui connaît que le premier homme qui a laissé tomber sa lance avec laquelle il s’apprêtait à percer le corps de son ennemi, pour lui jeter à la face une insulte, ce premier homme a inventé la culture.



Face à la violence pulsionnelle toute société pour vivre et survivre a développé une violence opposée, une violence socialement imposée et plus ou moins bien acceptée. La seule violence légitime est une violence d’Etat, régulée par le droit et la législation. On doit en permanence se demander dans quelle mesure la violence légitime de l’Etat n’est pas excessive et éventuellement la corriger, d’où la nécessité des processus de régulation que l’on nomme contre-pouvoirs démocratiques. La culture se pose comme détournement de la violence de base qui fait qu’un être humain est vivant.

Selon J.P.Cambefort, la violence fondatrice de la société réunionnaise trouve son origine dans un triangle de pouvoir. La pointe supérieure est constitué par l'Etat et ses instances spécialisées et les deux points de base par le pouvoir politique local en prise directe avec la population et les familles dynastiques qui pilotent les règles de l'économie du DOM.

Cette économie est inféodée au maintient des intérêts de ces familles, soit par les réseaux avec les représentants de l'état soit par l'intermédiaire de la sphère politique. Deux déséquilibre montrent le caractère artificiel de l'économie. D'une part le maintient de l'agriculture sucrière peu compétitive, et d'autre part l'importation de tous les produits de consommation dont quelques familles ont le monopole de distribution.

La barrière douanière et les réglementations d’exception comme l'octroi de mer et l'octroi de mer régional protègent le caractère artificiel de cette économie. Ces taxes permettent d'apporter un supplément financier aux communes qui financent ainsi des emplois communaux (parfois précaires) conférant ainsi aux maires un pouvoir économique exorbitant. Ils deviennent ainsi à coté des entreprises tenues par les « barons » les principaux employeurs en maintenant sous leur pouvoir des populations dépendantes et instables.

Les grandes familles monopolistiques et les élus perçoivent ainsi directement les retombées de cette politique économique pendant que les masses fragilisées par l'histoire et la déculturation, n'ont plus d'autres valeurs que l’abêtissement audiovisuel, la fuite en avant dans la consommation et le mirage d'un niveau de vie élevé entretenu par les transferts d'argent public notamment par la sur-rémunération des fonctionnaires.

Démunis des outils culturels permettant par la parole l'usage de la réflexion et de la critique, les communautés les plus démunies expriment des symptômes alarmants : sentiment d'impuissance,irresponsabilité, individualisme exacerbé,passivité , fatalisme.

Jusqu'au moment où l'alcoolisme aidant, le passage à l'acte se matérialise soit dans des agressions individuelles crapuleuses sordides soit dans des émeutes.