La
violence.
Il est
frappant de constater que les journaux locaux rapportent avec une
régularité qui devrait inquiéter des acte d'une violence inouïe.
Le concept de violence renvoie à l'usage de la force et du pouvoir.
La définition que en 2002 l'OMS a donné de la violence met l'accent
sur trois caractéristiques principales : d'abord la nature de
l'actes violents comme étant liée à l'utilisation non seulement
d'une force physique, mais d'un pouvoir ; ensuite elle considère
l'intentionnalité comme un aspect essentiel ; enfin cette définition
de ne met en lumière les différents types de conséquences
traumatisantes.
J'emprunte à
A.Vergoz une interprétation intéressante : « Un autre
aspect important est l’attente que la mère, le père, ou le couple
parental va avoir vis-à-vis de l’enfant. Celui-ci est-il né pour
satisfaire le narcissisme parental ? Pour venger une mère qui se
sent méprisée, un père humilié ? Est-il là pour servir de parent
à ses propres parents, jouant auprès d’eux le rôle que ceux-ci
devraient avoir pour lui ? Est- il le résultat du besoin d’enfant
comme moyen d’occulter le manque, ou le produit du désir relançant
la quête ? Bons nombres d’enfants ont une fonction qui leur est
assignée, et que beaucoup sont le résultat du besoin. Il faut se
demander si certains enfants ne sont pas là pour « réparer »
leurs parents, accomplir à leur place ce qu’ils n’ont pu
accomplir. Ces enfants, pris dans les fantasmes parentaux ont bien du
mal à être sujet de leur histoire, et si, pour cause d’injustice
ou de chômage, les parents haïssent le monde dans lequel ils
vivent, les enfants risquent bien d’agir une violence qui
est celle de leur parents, et non la leur ».
Un dicton
issu d’un texte de droit du Moyen-Âge nous dit ceci « On attache
les bœufs avec un joug, et les êtres humains on les lie avec de la
parole. » Voici donc la clé de l’énigme, ce qui fait lien, c’est
qu’on se parle. Il y a donc dans la structure même de la parole et
de l’être parlant que nous sommes, quelque chose qui nous tient,
nous soutient, nous contient.
« L’homme
est, en effet, tenté de satisfaire son besoin d’agression aux
dépens de son prochain, d’exploiter son travail sans
dédommagement, de l’utiliser sexuellement sans son consentement,
de s’approprier ses biens, de l’humilier, de lui infliger des
souffrances, de le martyriser et de le tuer. » Voilà ce qu’affirme
sans ambages le père de la psychanalyse en 1929 dans Malaise
dans la civilisation.La
violence ça veut dire quelque chose, mais ça le dit avec des actes,
et pas avec des mots. Freud
disait avec l’humour qu’on lui connaît que le premier homme qui
a laissé tomber sa lance avec laquelle il s’apprêtait à percer
le corps de son ennemi, pour lui jeter à la face une insulte, ce
premier homme a inventé la culture.
Face
à la violence pulsionnelle toute société pour vivre et survivre a
développé une violence opposée, une violence socialement imposée
et plus ou moins bien acceptée. La seule violence légitime est une
violence d’Etat, régulée par le droit et la législation. On doit
en permanence se demander dans quelle mesure la violence légitime
de l’Etat n’est pas excessive et éventuellement la corriger,
d’où la nécessité des processus de régulation que l’on nomme
contre-pouvoirs démocratiques. La culture se pose comme détournement
de la violence de base qui fait qu’un être humain est vivant.
Selon
J.P.Cambefort, la violence fondatrice de la société réunionnaise
trouve son origine dans un triangle de pouvoir. La pointe supérieure
est constitué par l'Etat et ses instances spécialisées et les deux
points de base par le pouvoir politique local en prise directe avec
la population et les familles dynastiques qui pilotent les règles de
l'économie du DOM.
Cette
économie est inféodée au maintient des intérêts de ces familles,
soit par les réseaux avec les représentants de l'état soit par
l'intermédiaire de la sphère politique. Deux déséquilibre
montrent le caractère artificiel de l'économie. D'une part le
maintient de l'agriculture sucrière peu compétitive, et d'autre
part l'importation de tous les produits de consommation dont quelques
familles ont le monopole de distribution.
La
barrière douanière et les réglementations d’exception comme
l'octroi de mer et l'octroi de mer régional protègent le caractère
artificiel de cette économie. Ces taxes permettent d'apporter un
supplément financier aux communes qui financent ainsi des emplois
communaux (parfois précaires) conférant ainsi aux maires un pouvoir
économique exorbitant. Ils deviennent ainsi à coté des entreprises
tenues par les « barons » les principaux employeurs en
maintenant sous leur pouvoir des populations dépendantes et
instables.
Les
grandes familles monopolistiques et les élus perçoivent ainsi
directement les retombées de cette politique économique pendant que
les masses fragilisées par l'histoire et la déculturation, n'ont
plus d'autres valeurs que l’abêtissement audiovisuel, la fuite en
avant dans la consommation et le mirage d'un niveau de vie élevé
entretenu par les transferts d'argent public notamment par la
sur-rémunération des fonctionnaires.
Démunis
des outils culturels permettant par la parole l'usage de la réflexion
et de la critique, les communautés les plus démunies expriment des
symptômes alarmants : sentiment d'impuissance,irresponsabilité,
individualisme exacerbé,passivité , fatalisme.
Jusqu'au
moment où l'alcoolisme aidant, le passage à l'acte se matérialise
soit dans des agressions individuelles crapuleuses sordides soit dans
des émeutes.